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№ 278. Г. Анстедтъ — графу Нессельроде.
Au moment où le Prince Maréchal fut informé du passage de la Bérésina éffectué par Napoléon, Son Altesse se décida à se rendre en toute hâte à la troisième armée. Le Maréchal fit cette route en courrier, et malgré l’aspérité des chemins, il entra dans Wilna le 29, à 6 heures du soir. Le vrai souvent n’est pas vraisemblable. Jamais cette maxime ne s’est pas trouvée plus juste. Il faut avoir été témoin des choses pour concevoir que depuis Molodetschna jusqu’à Wilna on passe un défilé de cadavres, de canons pris, de caissons et de trains abandonnés. Il faudra une semaine pour rassembler tant de trophées. L’entrée de Wilna même offre les traces d’une grande bataille; il faut passer sur des monceaux accumulés d’hommes et de chevaux, pour gagner les rues. La précipitation de la fuite a été si grande, que les français s’entretenaient eux-mêmes, car un homme tombé ne se relève plus. Napoléon n’a pas osé tenter d’entrer dans la ville. Il a pris avec 1,500 hommes les devants et s’est porté sur Kowno. Il est physiquement impossible que le tiers de ce qui restait des débris de son armée parvienne à le suivre. Le froid et la famine détruiront ce que n’achèvera pas la bajonette russe. Les 20 [388] pièces qui restent à la garde, peuvent déjà être envisagés comme à nous.
Les caractères se peignent dans ces affreuses circonstances. Celui de Murat ne s’est point démenti. Après le passage de la Bérésina, il a passé une journée entière à fondre lui-même en lingots les cadres de quelques images qu’il avait dépouillées. Il a cru nécessaire sûrement de se lester pour l’avènement, car les revenus du Royaume de Naples commencent à être sujets à caution. Il est un cri général parmi les officiers allemands, du moins les gens les moins passionnés l’assurent, qu’ils assassineront Bonaparte s’il échappe aux mains des russes. Mais les Cimbres ne tuèrent point Marius. Son émule aurait-il le même bonheur? Son extérieur s’est conservé calme jusqu’ après la retraite de Smolensk. Là encore, en parlant des mouvements qui avaient eu lieu à Paris, il dit: «Il parait que l’on ne veut plus de moi dans ce pays-là; hé, bien! que l’on en choisisse un autre, nous verrons ce qu’il saura faire». Ce stoïcisme apparent est soutenu par l’usage des liqueurs fortes qu’il n’avait pas auparavant. A Smolensk, il a fait vendre son vin a l’armée, et brûler son linge de table. Son costume est un surtout gris usé au coud, une cravatte orange à son cou. Le vice-roi en grande tenue marche ordinairement à ses côtés. Ses entours sont Nansouti, Victor, Oudinot, Davoust, Laribossière, Villata, Caulaincourt. Pendant quelque temps on a formé deux bataillons des officiers sans emploi, faute de troupes. Ils se sont dissous d’eux-mêmes. Il n’y a plus de pouvoir humain qui puisse empêcher l’armée victorieuse d’être au mois de janvier à Varsovie, si cela s’accorde avec les plans de la campagne, d’une campagne dont il s’agit maintenant de recueillir promptement les enormes avantages. Il ne faut point perdre de vue que le Duché a rassemblé 26 mille recrues déjà habillés en grande partie.