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№ 172. Князь Кутузовъ — князю Невшательскому.
Mr. le colonel Bertémy, que j’ai admis dans mes quartiers mêmes, m’a remis la lettre, dont votre Altesse l’avait chargé pour moi. Tout ce qui fait l’objet de cette nouvelle démarche, a déjà été soumis immédiatement à Sa Majesté l’Empereur, mon Maître, et c’est, comme vous ne saurriez l’ignorer, mon prince, i’aide de camp général Prince Wolkhonski, qui en a été le porteur. Cependant, vu la distance des lieux, et la difficulté des routes dans la saison actuelle, il est physiquement impossible qu’il me soit déjà parvenue une réponse à cet égard. Je ne saurais donc que me référer personnellement à tout ce que j’ai eu l’honneur de dire à M-r le général Lauriston sur la même matière. Je répéterai cependant ici une vérité, dont vous apprécierez sans doute, mon Prince, toute la force et l’étendue, c’est qu’il [230] est difficile d’arrêter un peuple aigri par tout ce qu’il a vu, un peuple, qui depuis 300 ans n’a point connu de guerre intérieure, qui est prêt à s’immoler pour sa patrie et qui ne fait point les distinctions entre ce qui est ou n’est pas d’usage dans les guerres ordinaires. Quand aux armées que je commande, je me flatte, mon Prince, que tout le monde reconnaîtra dans la manière dont elles agissent, les principes qui caractérisent toute nation brave, loyale et généreuse. Je n’en ai jamais connu d’autres dans ma longue carrière militaire, et je me flatte que les ennemis, que j’ai eu à combattre, ont toujours rendu justice à mes maximes à cet égard.
Recevez, mon Prince, les témoignages de ma plus haute considération.